L'église Notre-Dame-du-Travail a une architecture originale à structure métallique de type industriel, adaptée à la population ouvrière de l'époque de construction (1899-1902), et dont les proportions et la luminosité ont été préservées (architecte L.-Jules Astruc).
Un peu d'histoire :
Avant 1840, Plaisance n'est qu'un hameau dépendant du village de Vaugirard. Vers 1840, la gare Montparnasse est inaugurée, les lotissements se multiplient... le quartier urbain de Plaisance est né. Dix ans après, on compte déjà 2 000 habitants. Une petite chapelle, dédiée à Notre Dame de l'Assomption, est située rue Saint-Médard (aujourd'hui rue du Texel) et permet de réunir deux cents personnes; elle est longue de 19 mètres et large de 7 mètres.
Le 17 mars 1848, Monseigneur Affre, archevêque de Paris, érige la nouvelle paroisse Notre-Dame-de-l'Assomption de Plaisance. Dès la première année, il y a 106 baptêmes, 78 enterrements et 23 mariages.
En 1856, l'église étant beaucoup trop petite, le magasin contigu est loué pour l'agrandir.
Le 1er janvier 1860, le quartier de Plaisance devient un quartier de la Ville de Paris. La paroisse change son nom et devient Notre-Dame de Plaisance. La limite de la paroisse va alors de la Ferme des Acacias jusqu'aux fortifications ; elle est délimitée par le chemin de fer de l'Ouest et la route de Vanves.
En 1865, l'église est agrandie et l'empereur Napoléon III lui donne une cloche de 552 kgs, dite cloche de Sébastopol (prise de la guerre de Crimée).
Pendant la Guerre de 1870, l'église est aménagée en hôpital municipal.
En novembre 1872, dans ce quartier animé, l'archevêque de Paris crée un "fourneau économique" pouvant distribuer 2000 portions par jour , une crèche de 100 enfants, un vestiaire, une salle de conférences... La paroisse s'endette.
En 1884, l'abbé Soulange-Bodin est nommé vicaire. Il s'occupe des gamins du quartier livrés à eux-mêmes, fonde un "patro" sur les fortifications, puis sur les terrains de l'hôpital Saint-Joseph... (origine de la Paroisse Notre-Dame-du-Rosaire). Il créé le "Torchon", oeuvre de travail à domicile pour les femmes d'ouvriers.
Le 17 juin 1896, l'abbé Soulange-Bodin est nommé curé de Plaisance. Un terrain a été acheté et offert à son prédécesseur pour permettre la construction d'une église. On lui suggère alors de dédier son église à Notre Dame du Travail (dont la statue existait déjà), en réservant une place à chacune des corporations. Il s'agit d'honorer la dignité du travailleur. L'abbé Soulange-Bodin est séduit et lance une souscription à travers la France:
"Pour qui une église ? pour unir sur le terrain de la Religion les travailleurs de toutes les classes. Pourquoi à Paris ? parce que Paris est considéré à juste titre comme le centre du travail et de l'industrie. Pourquoi dans le quartier de Plaisance ? parce que c'est un faubourg composé uniquement de travailleurs, qui n'a pas encore d'église pour ses 35000 habitants, mais qui est admirablement préparé à en recevoir par un ensemble remarquable d'œuvres religieuses et sociales".
"Pour quand ? pour 1900. Il faut qu'en venant à l'Exposition Universelle les travailleurs des deux Mondes puissent venir prier dans le sanctuaire de la Vierge du Travail. Il faut qu'en 1900, tandis que s'ouvrira le Palais des produits du travail, s'ouvre pour les producteurs du travail un grand Sanctuaire d'union et de concorde".
Influencé par la Tour de Monsieur Eiffel et les œuvres de Baltard, L'abbé Soulange-Bodin confie la construction de l'église à l'architecte Jules Astruc. Ils adopteront un style résolument moderne. L'église devait rappeler à l'ouvrier son usine afin qu'il se sente chez lui, dans son milieu habituel, entouré des matériaux de fer et de bois que sa main transforme tous les jours. Elle devait être, comme l'usine, un édifice où le travail spirituel fût incessant, où le va-et-vient fût continuel, car le nouveau curé avait l'ambition de rendre la maison de Dieu aussi fréquentée que les établissements de ce quartier populaire dont les salles regorgeaient de monde. Mais la maison de Dieu, si elle rappelait l'usine et l'atelier où l'ouvrier peinait tout au long de sa vie, devait aussi être une fête pour ses yeux et un réconfort. L'abbé Soulange-Bodin voulait que les yeux puissent se baigner dans la lumière et que les poumons eussent à respirer largement de l'air pur. Si la nef rappelle le style usine (charpente métallique de 135 tonnes de fer et d'acier, ce qui est peu), le porche et le chœur nous invitent a la prière… nous orientant vers l'abside néo-romane. Deux tribunes surplombent les chapelles latérales et ne sont pas sans nous rappeler les églises du Pays Basque dont l'abbé Soulange-Bodin est originaire. De l'extérieur, l'église ne laisse pas soupçonner son architecture. Il faut y pénétrer pour la découvrir et être séduit. N'est-elle pas, ainsi, comme le symbole de la vie humaine ? Il faut que l'homme dépasse l'extérieur, le visible, pour découvrir cette intimité, cette rencontre merveilleuse à laquelle Dieu l'appelle.
"Voici que je me tiens à la porte et je frappe", dit le Seigneur dans l'Apocalypse de Jean. "Si quelqu'un ouvre, j'entrerai chez lui, et je prendrai mon repas avec lui (III, 20)."
Sous l'impulsion de son curé, Notre-Dame-du-Travail devient une école de formation pour les prêtres des faubourgs et des banlieues. Le premier presbytère communautaire est créé. Il ne s'agit pas seulement d'une équipe, mais d'une école de perfectionnement spirituel. L'abbé Soulange-Bodin ne cesse de dénoncer aussi les injustices sociales. Il défend l'idée du syndicat. Il prône le régime de la "Séparation" pour que "les prêtres n'aient plus l'apparence d'être des fonctionnaires". Il fonde le premier journal paroissial du diocèse de Paris: "l'Écho de Plaisance". Il s'occupe des "provinciaux", immigrés de Bretagne, abusivement séduits par les attraits de la Capitale, et lance une campagne contre le logement insalubre et la mortalité infantile. En 1909, il est nommé curé de Saint-Honoré-d'Eylau où il reste 14 ans. Il meurt en mai 1925.
Dès le début du 20ème siècle, cette zone de Paris était déclarée insalubre, avec ses constructions sommaires, ses hangars, ses carrières...
En 1961, la rénovation est décidée.
En 1962, la SEMIREP (Société d'Économie Mixte de Rénovation) est créée. Elle procède à une enquête: 77 % des logements sont titulaires de WC collectifs, 6 % seulement possèdent une salle d'eau.
La première opération de rénovation commence en 1966/67 sur la zone Plaisance / Vandamme.
- 4400 logements sont détruits.
- 5700 logements neufs sont construits (dont 4800 logement sociaux).
Les habitants du quartier et surtout les personnes âgées, subissent péniblement ces évolutions. Ailleurs, le quartier se dégrade. Des immeubles sont murés. Des squats s'installent, la drogue est proposée partout... Violence et délinquance sont présentes. Une radiale Vercingétorix est envisagée. Les habitants du quartier s'organisent et obtiennent en 1977 l'abandon de celle-ci ainsi que le maintien de certains immeubles. On avait même envisagé la démolition de l'église. La rénovation de la ZAC Guilleminot (13 ha) commence et durera jusqu'en 1990. Ricardo Boffil construit l'ensemble des Colonnes et de l'Amphithéâtre. 2ha et demi de jardins et espaces verts sont aménagés autour de l'église. 400 logements sont construits, dont 77 % de logements sociaux. Malgré cela, la paroisse perd peu à peu son caractère populaire, un vieux quartier disparaît, un nouveau est en train de naître. De nombreux artistes restent cependant présents, des ateliers ayant été aménagés. Dans les petites rues, rue de Plaisance, rue Boyer-Barret, rue des Thermopyles... on découvre de nombreuses maisons avec jardins, des petites cours anciennes et nombre de vieux magasins et ateliers d'artisans. Mais le TGV Atlantique que l'on voit défiler rappelle que le quartier continue sa modernisation; le nouveau siège de la S.N.C.F. y est inauguré en 1999, les principaux services du Secrétariat d'État au Tourisme s'y installent en 2005.
En novembre 2002, la Ville de Paris a remis en place dans l'église quatre des tableaux qui s'y trouvaient précédemment et avaient été enlevés depuis de longues années pour restauration; ces tableaux (dont deux sont de Jean Huberti) représentent quatre saints liés au monde du travail: s. Luc (métiers d'art), s. François d'Assise (création poétique et écologie), s. Éloi (métallurgie et orfèvrerie), et s. Fiacre (jardinage et culture maraîchère). Les peintures les plus intéressantes restent cependant les oeuvres de Lucien Simon (1861 - 1945), qui se trouvent dans la chapelle des Défunts (la Messe du Soldat; le Sacrifice); elles datent de 1920. Depuis 2002, la restitution des tableaux restaurés se poursuit.
Curés de N.-D.-du-Travail à partir de 1896 :
Jean-Baptiste Roger Soulange-Bodin (1896-1910), Emmanuel Chaptal (1910-1922), Philippe Buret (1922-1944), René Bernard (1944-1958), Georges Widemann (1958-1967), Bernard Claret (1967-1973), Paul Ryckebush (1973-1981), Pierre Chaveton et Hubert Salmon-Legagneur (1982-1983), Alain Maillard de la Morandais (1984-1992), Philippe Simon-Barboux (1992-1998), Bertrand Bousquet (1998-2007), François Potez (2007-2019), Gabriel Würz (depuis 2019).
(Rédaction originelle attribuée au père Bertrand Bousquet et à Mirek Wolodko)